La CHARTREUSE

Entre Veyrin-Saint-Bois et Saint-Pierre-de-Chartreuse
Veyrin-Saint-Bois – Saint-Maurice-de-Rotherens – Attignat-Oncin
Côte-Barrier – Saint-Pierre-de-Chartreuse

0/ Enjôleuse Chartreuse…

Que d’anecdotes, que d’évènements, que de paysages, que de personnages à raconter dans ce passage parfois difficile du massif au nom enjôleur « Chartreuse » évocateur de solitude, d’isolement, de tranquillité, synonyme de château, d’ermitage, de manoir… Un nom qui sonne si doucement à l’oreille, comme heureuse, comme charme, comme charmeuse. Peut-être aussi dû à Stendhal avec son titre La Chartreuse de Parme. Parme symbolisant pour moi la douceur italienne, la gentillesse, la délicatesse, la grâce… La Certosa di San Girolamo ou la Certosa di Paradigna, qui sont devenues dans l’imaginaire de l’auteur La Chartreuse de Parme… Parme cette couleur mauve rosée pâle, de la couleur des violettes de Parme. Et aussi cet élixir de jouvence aux couleurs jaune et verte titré à 55° !!! Donc pour nous un Massif de Charmes avant que de l’aborder, le camarade.

Alors que…

Alors que, tout le paradoxe est là. De nombreuses Chartreuses ont été et sont toujours des lieux d’enfermement, et de silence. Des lieux de mise en retraite, de mise à l’écart du monde, de claustration religieuse et intellectuelle. Des lieux qui finirent pour certains souvent en prisons. Nous étions bien loin de l’imaginaire onirique et fleurie de notre poésie initiale. On peut dire, après avoir traversé ce massif préalpin au relief tourmenté qu’il est parsemé de nombreuses difficultés et émaillé d’obstacles : montés abruptes, falaises vertigineuses, descentes impétueuses. Un lieu de mystère, aux sombres forêts d’épicéas, de sapins et de hêtres. Le paysage chartroussin est truffé de gorges profondes parcourues de torrents et de sommets d’altitude modeste mais aux falaises escarpées.

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Un contact difficile cette Chartreuse, ce qui expliquera surement que l’homme n’appose réellement son empreinte sur le massif qu’à partir du Ve siècle, quand il commence à défricher les versants et à s’installer dans les vallées. L’an 1084 est marqué par un événement décisif : Saint Bruno crée l’ordre chartreux. Jusqu’à la Révolution française, les religieux influeront sur la destinée du massif.

entre Veyrin-Saint-Bois et Saint-Maurice-de-Rotherens

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1/ La Chartreuse c’est aussi… Des moines et des moniales


La Chartreuses compte de nombreux moines à la cuculle blanche, de moniales au scapulaire brun. Si vous souhaitez découvrir La journée d’un moine et d’une moniale.


2/ La Chartreuse c’est aussi… Des falaises

Vertige, peur du vide, acrophobie… Quel que soit le terme employé, c’est un sacré handicap quand on aime voyager… Les situations à risque sont multiples, surtout quand on aime la montagne et la randonnée. Cette peur irrationnelle peut ruiner ou fortement handicaper une étape. Je parle en connaissance de cause, je n’ai jamais été très à l’aise avec le vide, et cette peur qui s’immisce progressivement, cette angoisse qui vous tort peu à peu… Il pourrait être confortable de se résigner, d’éviter de se retrouver confronté à ses peurs, sauf que ce serait se priver de beaucoup de plaisirs. Pire, éviter de se confronter à cette peur, voir cette phobie peut lui permettre de s’ancrer durablement, voire de s’accentuer…

entre Saint-Maurice-de-Rotherens et Attignat-Oncin

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Entre Saint-Maurice-de-Rotherens et Dullin, il est stipulé sur le topoguide: « suivre la petite route sur 1km puis un chemin qui longera le bord de la falaise et descendra jusqu’au Col du Blanchet… ». Rien qu’à la lecture l’angoisse est déjà là. Puis lorsque je vois la falaise que nous allons longer, 2ème degré d’anxiété. Et enfin passer… même si le vide est masqué par une haie discontinue d’arbrisseaux, je le sens-là, présent, prêt à me happer, à m’entrainer dans les affres de la terre. Mais, encouragé par Dom, à force de volonté, de prise sur moi, « allez mon gars faut y aller »… je passe, fier de ma performance. Mais parfois malheureusement ça ne passe pas !

Loïc Lantoine… Au bord de la falaise


3/ La Chartreuse c’est aussi… Mandrin

Nom : Louis Mandrin
Naissance : 11 février 1725
Lieu de naissance : Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs
Décès : 26 mai 1755 (à 30 ans) à Valence
Nationalité : Française
Profession : brigand

Histoire de Mandrin : si vous souhaitez mieux connaitre L’histoire de Louis Mandrin

La Complainte de Mandrin par Yves Montand


4/ La Chartreuse c’est aussi… La voie Sarde

Entre Attignat-Oncin et Côte-Barrier nous devons passer un passage qui a pour nom La voie Sarde, ce passage nous intrigue particulièrement. « Prendre le chemin à droite en lisière de forêt qui rejoint le pied de la voie sarde. Celle-ci monte à gauche le long de la paroi, et traverse le « Grand Goulet »… Ce passage que l’on nommait autrefois « les Echelles ». En effet, avant la construction de la rampe, les charrois étaient déchargés et transportés à dos d’homme dans les gorges et les passages rocheux étaient équipés d’échelles, puis les marchandises étaient rechargées sur des chariots fournissant ainsi un travail pour les habitants de ce village des Echelles.

entre Attignat-Oncin et Côte-Barrier

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L’ouverture de la voie Sarde par le roi Charles-Emmanuel II a considérablement changé la traversée de ce passage difficile, merci Charles (La Savoie n’a été rattachée à la France qu’en 1860, faisant partie avant cette date du Royaume de Piémont-Sardaigne, d’où le nom de Voie Sarde.) Malheureusement lorsque nous y passons le lieu est bondé d’une civilisation bruyante, venue par le car, en voiture ou moto, cela nous met le doigt mais plutôt l’oreille sur le fait que ce que nous apprécions dans ce voyage c’est aussi… le silence.
Pour plus d’informations sur la Voie Sarde : La Voie Sarde


PAUSE MUSICALE
Mstislav Rostropovitch: J. S.Bach Suite n°6, BMW 1012 en ré M


Nos hébergeurs…
Il y aura notre petite boulangère de Champagneux, une tornade Odette, nous lui avions acheté quelques gâteaux et de l’eau, mais finalement la tornade de l’adorable Odette, nous a emporté, nous a embarqué… Gentille, serviable, curieuse de notre pérégrination, elle nous a donné, elle nous a donné, mais son élan a été stoppé net… elle ne savait plus quoi nous donner. Odette et son mari Jo, une bien belle rencontre qui nous a chauffé le cœur, nous en avions bien besoin car la suite de l’étape fut rude.


Le soir nous étions accueillis par Marc et Katia, je ne me souviens que du tampon pour credential, fabriqué en pomme-de-terre. Et nous arrivons à l’incontournable Claude d’Attignat-Oncin, le personnage. Claude, pédicure bovin, est le genre de personnage aux facettes innombrables : cuisinier, astrologue chinois, accueillant de premier ordre, fabricant de cidre, de jus de poires, de jus de pommes, drôle, sarcastique, philosophe… Un trésor cet homme. Le patron du camping La bruyère, M. Viard, nous a très bien accueillis avec sa traditionnelle tartiflette arrosée d’un très bon rosé du cru et béni à la Chartreuse. Notre hôtesse très tendue de Saint Pierre de Chartreuse aura bien du mal à nous trouver un taxi pour le lendemain, mais cela est une autre histoire…

entre Côte-Barrier et Saint-Pierre-de-Chartreuse

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La Vie théâtralisée de Francesco !

A la Grande Chartreuse, ils furent sept. Bruno et ses 6 compagnons s’installèrent dans la profonde vallée au début du 13ème siècle. L’endroit était si dur qu’il était bien difficile d’y vivre plus nombreux. Malgré tout, ils ne le quittèrent plus.
Francesco lui a onze compagnons. Avec lui cela fait douze. Douze comme les apôtres de Jésus. Douze frères de pénitence. Deux par deux, ils parcourent les routes d’Italie, puis ils vont en Amérique Latine et en Inde.

Francesco : Acte II, scène 1

Pietro di Bernardone sur scène revoit les scènes qui ont suivi le départ de Francesco. Ces scènes semblent l’avoir profondément marqué, il est accablé. On dirait un vieillard assis sur son banc, se remémorant une vie qu’il n’aurait pas voulu. Francesco toujours adossé à son chêne regarde Pietro un sourire de tendresse sur les lèvres.

Mes amies les fleurs…

Pietro : Un jour, inexplicablement tu quittes ton repaire et réapparais maigre comme un clou, hirsute, plus dépenaillé que jamais. Prêt à l’affrontement, malgré ton épuisement… Tu te diriges vers Assise en sifflotant comme un simple d’esprit. D’abord, personne ne te reconnait, puis les gamins ne s’y trompent pas, et te voyant arriver, se tordent de rire, hurlent au fou – pazzo, pazzo ! – te lancent des cailloux et te balancent par paquets la boue amassée dans le caniveau. Les gens ricanent bruyamment, disant que tu es possédé par le démon. Lorsque j’entends ce carnaval, je rejoins la place, et je ressens un violent coup au cœur en t’apercevant. On allait voir ce qu’on allait voir, j’allais te remettre les idées en place.

Pietro à ces mots est tordu de douleur, il ne peut plus parler. Il pleure à chaudes larmes, les poings fermés. Dame Pica rentre soutenue par Dame Pauvreté, qui l’a supportera pendant toute la scène.

Pica : Tu puais mon petit Francesco. On t’a décrassé et ton père t’a enfermé, le pauvre homme… Il voulait te condamner au bannissement et à l’exil, il était lui aussi devenu fou. Mes cris et mes larmes sont venus à bout de sa violence, Il t’a pourtant passé les chaines au pied et t’a enfermé dans le réduit du bas. Je ne vivais plus. Pietro avait perdu toute mesure…
Mais ce qui l’a le plus vexé ce sont les regards des gens, les paroles des gens, les sarcasmes des gens. Son honneur et le tien étaient bafoués, il ne supportait pas. Nous pensions que tu étais tombé dans la folie.
Une nouvelle fois Pietro a dû retourner pour la France… J’ai eu pitié, j’ai ouvert le cachot, tu as décidé de retourner dans ton désert… Au retour de ton père, nous nous sommes battus froid pendant des mois, pas un mot échangé, rien. Cloitrés la nuit venue dans nos appartements.

Dame Pica semble s’évanouir, Dame Pauvreté la retient, Pietro vient la soutenir, elle se laisse aller dans leurs bras…

Pietro : Tu as semé la discorde entre nous, Francesco, tu as brisé nos liens avec ta mère… Oui tu auras tout réussi, tout volé, tout gâché.

Pietro et Pica quitte la scène, ils sont arrêtés par les mots de Francesco. Ils s’arrêtent se tenant par la main, ils n’ont jamais semblé si vieux, si finis, si au bout du rouleau…

Mes amies les vieilles pierres…

Francesco : Oui tu as bien fait, bien tenu ton rôle de père. Il est bon pour l’enfant d’avoir ces deux parents, chacun le protégeant de l’autre: le père pour le garder d’une mère trop dévorante, la mère pour le garder d’un père trop souverain. Je n’ai aucun reproche à vous faire, mais il faut maintenant que je vous quitte, que j’aille aux travaux de mon père, pas celui qui vend les draps aux riches, mais celui qui fait commerce de pluie, de neige et de rire, mais il faut que j’aille aux travaux de ma mère, pas celle qui préfère son aîné aux enfants du voisinage, mais celle qui a même rudesse et même douceur pour tous, ma mère la terre, ma mère le ciel.

(à suivre…)

« La marche
est une forme élémentaire de résistance, de retrouvailles avec le monde »
par David Le Breton, auteur de
« Marcher. Eloge des chemins et de la lenteur  » (Métailié 2012).

Un monde de l’amitié, de la parole, de la solidarité

« L’auberge, le café, le banc prolongent parfois la rencontre esquissée quelques heures plus tôt. Emprunter ces chemins de traverse revient à laisser derrière soi un monde de compétition, de désengagement, de vitesse, de communication au profit d’un monde de l’amitié, de la parole, de la solidarité. Retour aux sources d’une commune humanité où l’autre n’est plus un adversaire mais un homme ou une femme dont on est solidaire. La marche est le lieu d’une éthique élémentaire à hauteur d’homme.

La route est université car elle est universalité, elle diffuse une philosophie d’existence propre à polir l’esprit et à le ramener toujours à l’humilité et à la souveraineté du chemin. Elle est un état d’alerte permanent pour les sens et l’intelligence, l’ouverture à une multitude de sensations et de rencontres, une source de renouveau. La vue n’est jamais pour le marcheur le sens philosophique de la distance, mais celui de l’étreinte, de la profusion. Il ne sait où donner des yeux et du corps tant affluent les perceptions. »

Histoire d’O… potable

8 réflexions au sujet de « La CHARTREUSE »

  1. C’est vrai, nous ne nous attendions pas à ces immenses falaises. Nous pensions différemment ce massif montagneux des Préalpes. Et voilà, la surprise ces contrastes les plus frappants dans les reliefs ! Une belle découverte; des paysages spectaculaires. Exceptionnellement, nous avons croisé pas mal de randonneurs. Quel spectacle sur les magnifiques sommets et les chaînes alpines que j’étais impatiente d’atteindre !

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  2. bonjour et contente de vous revoir (en lecture !)
    oh oui que de dénivelés … mais de jolis partages en soirée,(l’apéro de Marc au milieu du lac est toujours très présent en plus de son tampon patate ! ! ) sacrés souvenirs alors que j’ai cheminé 10 jours avec mon amie Martine en juillet
    Marielle

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  3. Bonjour Marielle,
    Ravis de recevoir tes commentaires… Ces partages avec d’autres pèlerins sont toujours sympathiques et intéressants, quoique épisodiques et rares, enfin ainsi va la vie…
    Tu nous parles de l’apéro de Marc au milieu du lac, nous n’avons pas partagé avec Marc et Katia ce moment là. Toutefois l’accueil plaisant dans la vaste salle à manger et devant la cheminée monumentale fut des plus agréables…
    Notre souvenir le plus marquant concernant Saint Maurice de Rotherens, fut le petit chemin qui longe la falaise, après le Col de la Crusille et jusqu’au Col du Blanchet, sensations assurées !!!
    Amicalement, à ton prochain commentaire,
    Gil&Dom

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    • Mais… C’est Ma Babeth (enfin Ma ???) !
      Tu sais que j’aime bien recevoir tes commentaires… Mais tu le sais, je le sais !
      A ça pour sûr je peux te dire qu’il est impressionnant le bougre, et en plus on ne s’y attend pas. Comme je le dis dans l’article, son nom fait plutôt, charmant, charmeuse… Bon, il y a de cela finalement. Ce massif me fait penser aux films que nous regardons actuellement avec les enfants, la trilogie du « Seigneur des Anneaux », où les montagnes sont belles, lumineuses, voire accueillantes au premier abord… Mais alors au deuxième, je t’en cause pas !!!

      Courage, il te reste 2 articles… Sur les Alpes, tu connais ???
      Bises,
      Gil&Dom

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  4. Bonjour,
    Merci de nous avoir donné à voir toutes ces photos de votre route. Cela nous a rappelé de bons moments!
    Nous avons fait ce parcours en 6 morceaux, pour des raisons familiales, entre 2010 et 2015.
    Nous avons suivi nous aussi le guide de l’asso Chemins d’Assise sauf pour le dernier tronçon italien, puisqu’après la Ligurie nous avons rejoint a Forli le camino de saint François italien à travers les parcs nationaux des montagnes de l’Ombrie. Une merveille tant pour les paysages que pour l’accueil …et le balisage! Si cela vous intéresse nous rechercherons les coordonnées adresses qd hoc pour vous les transmettre, car on s’inscrit pour ce chemin, somme modique, et ainsi on est attendu, d’étapes en étapes, très peu chères et sympathiques, sauf chez les sœurs de La Verna ( accueil assez anonyme)…mais c’est le luxe !
    Bon Noël et bien cordialement.
    Andre et Françoise PFLIMLIN
    41 rue Maurice Lissac
    94700 MAISONS ALFORT

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    • Bonjour Chers Amis,

      Merci de ce retour qui fait chaud au cœur… Le but de mon envoi étant celui là, d’entretenir les échanges, les conseils entre pèlerins, non pour doubler l’association « Chemin d’Assise » qui fait un gros travail, mais pour apporter une dynamique supplémentaire à cette « épopée » collective.
      Nous pensons réaliser la totalité du chemin en 4 morceaux : 2 sont déjà faits qui nous ont conduit à Susa, reste donc la superbe et accueillante Italie, de Susa à Assise en 2 autres morceaux que nous réaliserons en 2017…

      Votre proposition de variante Chemin de Saint François italien nous intéresse beaucoup. Si vous pouvez nous envoyer les informations nécessaires, nous vous en remercions…
      Très cordialement,
      Gil&Dom

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